Evil Within m’a tué
J’aime bien l’horreur. J’aime bien les trucs qui font peur. Les trucs qui foutent l’angoisse et ceux qui font sursauter.
Loin de moi l’envie d’aller me balader seule à 3 heures du matin dans Paris Nord pour pousser le délire jusqu’au bout mais j’apprécie l’horreur fantastique. Ainsi, dès qu’il y a 3 zombies et un cadavre mutant de l’espace intergalactique, je suis toute ouïe.
Je n’avais plus joué à un jeu d’horreur depuis un bon bout de temps. Les raisons sont simples:
• Je n’ai plus vraiment peur
• Je joue beaucoup trop et je vois les mécaniques arriver
• Je n’aime pas vraiment les jeux scriptés ni plus vraiment les mmos
Forcément, ça rétrécit vite le champ d’action … MAIS lorsque j’ai vu Twitter et les forums des interwebs s’extasier sur The Evil Within de Mikami j’ai eu envie de mettre mon nez dedans et j’ai expressément demandé à M. Liryc de me laisser écrire ce petit test. Et finalement le jeu m’a bien perturbé, mais pas dans le sens attendu …
Au départ quand on voit ce joli trailer bien marketé par nos amis d’HEC et autres Business School, on s’imagine un espèce de mélange de Saw + Resident Evil, saupoudré de tout ce que peuvent nous offrir tous les grands films sur le paranormal et autres histoires d’Amityville possédées.
Au final on se retrouve plus avec ça (dédicace aux anciens, TMTC gros):
.
Je ne vais pas revenir sur le concept du jeu, des dizaines de sites/blogs/youtubeurs l’ont déjà fait. Cependant, pour les plus distraits et en quelques mots, The Evil Within veut se présenter comme la relève du Survival Horror d’antan. Vous êtes plus ou moins seul selon les passages et vous devez venir à bout d’une force maléfique avec une quantité de munitions et de soins limités.
Et sur tous ces aspects là, le jeu m’a véritablement déçue.
Passons donc aux choses sérieuses, surtout le plus gros souci : la technique.
Un point important à rappeler avant tout car de nombreuses personnes semblent l’oublier : NOUS SOMMES EN 2014, ALLÔ QUOI.
• Je ne suis pas une graphic whore, loin de là, mais lorsque je vois un jeu qui utilise des subterfuges dignes d’un Père Noël de supermarché, cela m’énerve légèrement.
Le jeu vidéo est dans une mouvance qui le pousse de plus en plus à devenir un média classique et à se mêler aux autres. Cette démarche peut avoir de nombreuses qualités mais elle a aussi ses défauts.
Pour The Evil Within, EW pour les intimes, ça commence avec les bandes noires et le grain de l’image. Sous prétexte de vouloir offrir une expérience singulière à l’usager, on lui colle deux bonnes grosses bandes noires en haut et en bas et un grain sur l’image que l’on ne croise que sur les vieilles VHS de mémé. Si la démarche n’était qu’ »artistique », à la limite, pourquoi pas, c’est parfaitement dans la veine des films d’horreurs des années 70. Le problème c’est que cela ne sert qu’à faire du cache misère sur un jeu qui ne tient pas du tout la route visuellement. Ces bandes d’ailleurs, pour confirmer mon argumentaire, ont été patchées par les développeurs, offrant ainsi la possibilité de les supprimer dans les options, drôle de retournement de veste quand on a voulu faire la promotion du jeu en partie sur ce choix. Encore une fois nous sommes en 2014 et EW offre des graphismes de 2006-7 au mieux. C’est tout à fait dommage quand on sait de quoi sont capables les studios aujourd’hui.
Alors on va me parler de l’ambiance « blabla, pas besoin de graphisme pour le coeur et le feeling, blabla ». Oui Jean-Kevin certes, mais nous sommes en 2014 tout de même. Proposer une expérience aussi mal finie ce n’est juste pas possible. J’entends déjà les chuchotements : « ah oui mais Resident Evil, des années après il est toujours aussi chouette et pourtant graphiquement il est bien dépassé » STOP. Lorsque Resident Evil est sorti, il était ce qu’il se faisait de mieux. Le jeu était vraiment très beau pour son époque, c’est à dire 1996. 1-9-9-6. C’est la volonté du détail, du travail acharné, de la production visuelle qui lui ont offert cette aura et cette ambiance qui persiste aujourd’hui. Les graphismes sont importants. Ils donnent vie à la direction artistique d’un jeu et j’estime que les consoles « next gen » étant de sortie depuis 18 mois c’est le minimum syndical, et il est loin d’être présent. La faute à cette volonté de conserver du cross gen peut-être qui n’excuse encore pas tout car si on regarde en détail, pour la modélisation, ou si on prend les deux jeux de Mikami, RE1 et EW, on se rend vite compte que très peu de choses ont évolué dans les actions offertes au joueur dans son environnement.
À moins que l’action ne soit prévue par le script et quand elle est possible, celle-ci devient quasiment obligatoire pour passer les adversaires présents dans la salle, il est très rare de pouvoir interagir avec le décor. On peut casser certaines caisses et certains vases, des malles sont dispersées pour les « trésors » par le biais d’énigmes très simples ou de passages secrets absolument pas secrets. On peut aussi faire exploser (uniquement) les tonneaux rouges et casser les vitrines pour récupérer des items. Or, avec la puissance des machines actuelles et le stockage offert, on pouvait s’attendre à pouvoir détruire le décor, faire tomber des morceaux de murs en ruine sur les possédés et infectés par exemple. Ramasser une chaise pour l’utiliser comme objet défensif.
Dans une étape du jeu, vous traversez le classique hôpital. Pourquoi ne peut-on pas attraper les barres à perfusion pour s’en servir comme arme ? Surtout que le jeu offre une piste intéressante avec la possibilité de brûler les cadavres. Néanmoins il est impossible de les allumer avec une torche. Tous les cadavres ne semblent pas sensibles au feu également, ceux liés aux textures du décor ne brûleront pas alors qu’ils sont identiques à ceux qui viennent de vous attaquer. Vous pouvez toujours allumer un infecté sur eux, ça n’y fera rien. Sans parler de la durée du feu et de sa zone d’action effective, qui est bien plus petite que la zone d’effet visuel, qui permet à un infecté de le traverser sans soucis pour peu qu’il arrive une ou deux secondes après l’allumage, même si le feu brûle toujours.
Il est aussi possible de ramasser des bouteilles pour faire diversion. Pourquoi ne pas laisser le joueur ramasser des cailloux ou des briques également ? Ces petits détails font que la surprise de l’attaque ou du monstre est très souvent gâchée car on sait automatiquement, grâce au faible nombre d’objets accessibles ou bien leur surnombre, que si tel objet se trouve à tel endroit, alors il va arriver x ou y événement ou boss. Sans parler, de la petite cerise sur le gâteau, la fainéantise absolue choisie par les développeurs et le non-sens complet que cela donne au titre à cause de sa nature première : les boss QTE ! L’ensemble gâche la surprise et le jeu, alors que je suis persuadée que la PlayStation 4 et la Xbox One, sans parler du PC, auraient pu tenir le choc sans problème pour inclure ces éléments dans le décor et dans le travail graphique afin d’améliorer l’ambiance et le côté survie. On se retrouve donc avec un jeu qui a très peu d’ajouts dans le détail scénique ouvert aux actions du joueur par rapport à la première œuvre de l’auteur, alors que quasiment 20 ans (et 3 générations de machines) les séparent.
• Autre souci, j’ai pour habitude dans ces jeux de me repérer à l’oreille.
Dans The Last of Us, c’était agréable et simple, casque vissé sur les oreilles, de détecter les cliqueurs et de les contourner sans pivoter la caméra dans tous les sens car on arrivait à les localiser à leur bruit accentué à gauche ou à droite selon notre position. Ici c’est juste impossible. Je n’y arrive pas. C’est peut-être moi le problème mais j’ai énormément de mal à trouver mes repères spatiaux par le biais de l’oreille. Je passe mon temps à pivoter la caméra dans tous les sens pour voir d’où vient l’espèce de grognement… Sans voir quoique ce soit : et ça m’énerve ! Je décroche complètement de l’ambiance et je me mets à pester, et quand je peste, je cours partout comme une bourrine. Je transforme la survie en scène de Rambo 2.
Un jeu comme ZombiU, qui n’était pas très beau à l’oeil, offrait des alternatives pour rentrer dans son univers : un son très bien géré, un périphérique différent et cette problématique de tout perdre à la mort puisqu’il n’était pas possible de sauvegarder son personnage mais uniquement sa position. Ici, il n’y a rien ou peu, trop peu finalement.
• Dernier souci selon moi avec ce jeu, et qui reprend finalement un peu toutes les problématiques que j’ai cité : le gameplay.
Il est beaucoup trop daté. Il est tout à fait possible de faire quelque chose de rigide, précis à manier, punitif, mais cela n’inclut pas de devoir développer des mouvements qui offrent principalement de la frustration. Il m’est arrivée de mourir plus d’une fois, non pas finalement à cause d’une mauvaise décision, mais à cause d’erreurs du jeu telle que la latence ou le positionnement mal géré pour réaliser une action contextuelle. C’est à nouveau énervant. Cela fait décrocher immédiatement de l’univers qui, dans l’absolu, n’est pas mauvais, même s’il cherche à développer quelque chose de trop classique. Il réussi à attiser notre curiosité tout en cassant l’ensemble en même temps à cause de ces problèmes qui ne sont pas pardonnables dans ce type précis d’expérience.
La joueuse que je suis a fini par prendre le parti non pas de se laisser porter pour affronter ce monde mais celui d’être constamment sur l’expectative afin de deviner, en fonction de la construction des salles, ce qui allait m’arriver. Pas pour éviter les méchants, non, plutôt pour éviter de faire planer la manette à travers la pièce.
Au final c’est dommage car le titre a énormément de qualités à côté de ça, que ce soit dans la construction des salles justement, la manière d’aborder les problèmes et de les solutionner. Le profil du joueur aussi qui, selon son agressivité ou sa passivité, aura une expérience différente. Beaucoup de bons points mais qui sont gâchés au final par une technique bâclée… A tous les niveaux, de l’image au son en passant par des détails comme les collisions mal gérées, les caisses qui flottent dans l’air alors qu’elles sont censées tomber, les buddies qui certes sont efficaces mais coupent tout réalisme par leur comportement et celui des infectés face à eux.
Du gâchis mes amis.
Je reste donc sur ma faim. Le titre a un bon fond mais l’enveloppe n’est pas au niveau.
Pour en revenir à l’histoire, si elle semble intéressante au départ, elle devient vite clichée. Un amateur du genre, que ce soit en jeux vidéo ou en films, arrivera très rapidement à comprendre la trame et à deviner la fin avant même d’y arriver et cela, aussi bien au niveau de l’histoire personnelle des protagonistes, qu’au niveau de l’aventure en tant que telle. On garde néanmoins une certaine curiosité car certains personnages secondaires restent bien pensés … Malheureusement leur histoire n’est pas du tout développée. Malgré les clichées et la facilité du récit, le tout reste agréable à suivre.
Les lieux qui se succèdent sont pour certains des hommages, pour moi une longue succession de clichés également. On vous emmène de l’hôpital à la forêt, de la forêt à l’autoroute, de l’autoroute à la ville détruite, sans oublier la halte dans une église malfamée avec son petit cimetière communal ou encore un hangar désaffecté et parfois inondé. Encore une fois, cet aspect classique pourrait ne pas être aussi dommageable au jeu s’il était possible pour le joueur d’explorer ces zones selon son propre chemin, hélas on a tendance à nous faire suivre un couloir. Je mettrai néanmoins un gros plus à la zone qui sert de base au joueur. L’ambiance y est très bonne et lorsqu’on y arrive la première fois on ne sait pas vraiment si on doit se fier à ces lieux ou non.
Pour le bestiaire, ne vous attendez pas à des merveilles. Vous croiserez régulièrement les mêmes énergumènes. Parfois un peu plus forts, parfois un peu plus faibles mais toujours graphiquement assez similaires. Les boss se démarquent légèrement mais ils sont peu nombreux et reviennent aussi de manière répétée dans le jeu… Contre toute logique parfois.
Une fois le jeu terminé, le mode « new game + » s’offre à vous, ainsi que la difficulté maximum. Le « new game + » vous permet de manière très classique de refaire le jeu avec vos armes et compétences acquises jusque là. Personnellement, le point discutable là, c’est le fait que le jeu est tellement scripté que finalement « ces armes » et « compétences » ne seront pas si utiles que ça dans l’aventure. Si ce n’est peut-être la barre de vie pour résister aux boss dont la santé sera accrue avec la difficulté. Cependant, connaissant à présent les pièges de ces couloirs salles et leurs ennemis, vous saurez parfaitement gérer vos stocks même si le premier run n’offre pas de grosses problématiques de manque puisque chaque ennemi à des points faibles très spécifiques et une fois identifiés, vous saurez parfaitement gérer les situations un peu complexes et même les groupes un peu plus importants.
Alors, faut-il l’acheter me demanderez-vous ? OUI… Si vous le trouvez à bon prix et surtout si vous ne le faites pas au sérieux. Certaines répliques du jeu sont vraiment dignes de grands nanars. L’histoire et les héros sont caricaturaux. Le titre n’est ni oppressant, ni angoissant. Si vous cherchiez un survival horror, passez votre chemin. Le jeu est mal construit. Il ne pousse pas assez dans la survie et s’offre corps et âme à la difficulté artificielle en vous faisant par exemple croire que c’est l’heure de tuer le boss alors que non. Vous aurez donc tendance à vider votre inventaire pour rien puisque le script n’est pas prêt de vous laisser le tuer. Idem, le survival ne signifie par die & retry. Le titre manque aussi de réalisme. La durée de vie est allongée par un mécanisme « second round » pour les boss, laissant penser qu’il leur a, soit manqué du temps, soit des idées.
Ce test peut sembler très à charge mais c’est uniquement car le jeu est présenté comme un survival horror, or il ne l’est pas, ou alors c’est un très mauvais représentant du genre tant les mécaniques sont datées. Placé dans la catégorie TPS, il devient un jeu moyen, à cause de ses défauts techniques. Un titre qui se laissera faire sans marquer les mémoires.
Au final ce sera à vous de choisir mais si vous aimez « les jeux qui font peur », je vous conseille chaudement d’attendre le remake de Resident Evil prévu sur les consoles « next gen » pour le début 2015, de vous tourner vers Alien Isolation voir ZombiU (à la limite). En s’éloignant légèrement du côté « survie », vous pouvez aussi zieuter du côté de l’excellent P.T sur PlayStation 4.
Pour finir sur une note positive, un morceau de la BO qui est, par ses compositions tirées des grands classiques, vraiment bien choisie :