TFH – Des collections et des hommes – Partie 2 : Une véritable économie de marché
Au cœur de l’automne, le premier article de ce dossier a rencontré un beau succès. Je tenais avant tout à vous en remercier. Toutefois, parmi les éloges reçus, quelques critiques, justifiées, se sont élevées. Ces critiques concernaient toutes un seul et unique sujet : l’absence d’une partie sur l’économie du marché des produits dérivés. Cette absence était voulue et vous savez maintenant pourquoi : la seconde partie du dossier est entièrement consacrée à l’économie du marché de la collection dite « geek ».
Avoir une grande et belle collection, cela prend du temps, de l’énergie mais surtout, de l’argent. Comme bien souvent dans la vie, passion rime avec fonds. De plus, le marché s’étant développé de façon incroyable au cours des dernières décennies, de plus en plus de pièces inondent le marché et la concurrence fait rage pour remplir au mieux nos bibliothèques et nos vitrines.
Ainsi, plutôt que de faire un dossier long, bourré de tableurs Excel, de diagrammes en bâton et de chiffres, j’ai préféré me tourner vers l’un des plus grands experts francophones sur le sujet, Christian Mallet, le créateur des éditions Cote-a-cas. Ses ouvrages, les Cac3D, sont devenus de véritables références dans l’estimation des pièces de collection en tout genre.
Bonjour Christian, nous sommes ravis de te recevoir dans ces lignes. Si beaucoup de collectionneurs connaissent tes ouvrages, peu de te connaissent toi, peux-tu te présenter ?
Bonjour, je m’appelle Christian Mallet alias Cas.mallet, j’ai 56 ans et j’habite à Bordeaux, ville où je suis né. Après une formation de dessinateur en bâtiment au Lycée Gustave Eiffel à Bordeaux, je deviens collaborateur d’architecte infographiste dans une agence bordelaise durant 25 ans. Je collectionne les produits dérivés depuis mon plus jeune âge (Jouets – Statuettes – DVD – 33 tours – etc …). Depuis 2012, je suis devenu éditeur et auteur du Cac3d, la première encyclopédie sur les figurines et statues dans l’univers de la Pop-Culture.
La collection des Cac3d est une véritable mine d’informations pour les collectionneurs. Comment t’es venue l’idée de ce projet ?
Tout a commencé en 2006, quand j’ai créé mon forum « cote-a-cas.net » pour évaluer les cotes des produits dérivés sur le second marché (le marché de la revente de produits d’occasion). À l’époque, je proposais gracieusement à tous les collectionneurs le recensement des produits Attakus et Gentle Giant Ltd dans l’univers de Star Wars.
Puis, en 2012 les forums ont perdu de leur attrait et j’ai commencé à retranscrire sur le papier toutes les informations du forum que nous avons compilées en un ouvrage encyclopédique. Le premier volume était destiné à mes quelques adhérents (une cinquantaine à l’époque). En trois ans, j’ai sorti ma première trilogie du Cac3d Para-bd (2012), Cinéma (2013) et Comics (2014). Fin 2014, vu l’attrait que portaient les collectionneurs à ces livres, je décidais de créer ma propre maison d’édition nommée « cote-a-cas éditions » afin de les promouvoir et aussi d’éditer d’autres auteurs.
Peux-tu nous dire en quoi tes livres sont des compagnons indispensables pour tout collectionneur ?
Les points forts sont nombreux :
Le cac3d permet de valoriser sa collection, grâce à sa cote approximative qui peut être comparée à son prix d’origine.
Il permet aussi de donner un aperçu des produits existants chez divers fabricants pour compléter sa collection.
Et il fait découvrir de nouvelles licences ainsi que des fabricants plus anciens inconnus des nouvelles générations de collectionneurs.
Comment réalises-tu tes ouvrages ? Comment est-ce que tu parviens à définir une cote fiable ?
Au fil du temps, j’ai complété mes différents volumes en rajoutant des fabricants plus anciens et les petits nouveaux. Et la passion des différents collectionneurs change avec le temps …. Un nouvel attrait pour une licence ou un nouveau fabricant … L’ensemble me permet de compléter les différents Cac3d.
Pour les cotes je recense quotidiennement les ventes sur Ebay, sur différents sites d’enchères en ligne et en salle des ventes. Un certain nombre de revendeurs spécialistes fiables m’assistent avant de finaliser les différents tomes.
Pourrais-tu nous expliquer ce qui fait la cote d’un produit ?
Pour moi, la cote, c’est la conjonction de plusieurs facteurs. L’état de l’objet déjà, s’il est complet ou non, s’il est en bon état ou non, s’il possède son certificat d’authenticité ou s’il a un ou plusieurs objets supplémentaires. Ensuite, il faut prendre en compte le nombre de pièces produites. Voilà pour la partie dite « concrète » du produit.
Pour la partie « immatérielle », je dirais que la rareté et l’actualité de la licence compte. Par exemple, suite au décès de Chadwick Boseman, les produits liés à Black Panther, notamment les Hot Toys ont vu leur cote grimper en flèche.
Enfin, je tiens à préciser que j’ai décidé de supprimer le terme de « cote » dans le nouveau Cac3D. Je préfère parler d’estimation car une cote est trop figée pour convenir aux collectionneurs qui eux, peuvent se montrer sans limite, notamment en raison de leur attachement à certaines pièces.
Que penses-tu du second marché, celui de l’occasion où les collectionneurs vendent et achètent leurs produits entre eux ?
Je pense que le second marché est devenu, aujourd’hui, indispensable pour bon nombre de collectionneurs. Je m’explique, les pièces devenant de plus en plus chères et toutes les pièces ne prenant pas forcément de la valeur, il est parfois bien plus intéressant d’attendre un peu avant d’acheter. Après, cela reste une loterie. Surtout aujourd’hui, où les fabricants sont de plus en plus nombreux sur le marché. De plus, il faut savoir que chaque univers, chaque marché est différent. Les produits et les tarifs ne sont pas pareils entre le marché de la BD ou celui du Cinéma par exemple.
Peux-tu justement nous parler des différences qu’il existe entre ces marchés ?
Il faut déjà savoir que chaque marché a sa clientèle. De par mon expérience, je peux observer 4 marchés : celui lié à la BD et ceux liés au Cinéma, aux Comics et aux Mangas. En France, le marché lié à la BD est le plus vieux marché avec des licences qui perdurent depuis des décennies comme Tintin par exemple. Les marchés du Cinéma, des Comics des Jeux Vidéo et du Manga sont beaucoup plus liés à l’actualité. Les licences et les produits sont plus nombreux, c’est lié aussi phénomène de l’offre et de la demande. Je vois l’émergence de produits en Jeu Vidéo liés à des licences « institutionnelles » ancrées dans le temps. Dans le même temps, je trouve que le marché du Manga a tendance à beaucoup plus se diversifier.
On sent justement un marché en pleine explosion ces dernières années, pourrais-tu nous dire ce qu’il en est et d’où provient, selon toi, cet essor ?
Tout dépend de l’univers dont on parle. Actuellement, par exemple, je trouve que le marché se calme sur la Para-bd par manque d’idées vraiment originales. Et les pièces qui sortent sont selon moi réservées à une élite. Pour les autres univers tels que le cinéma et les comics, la créativité est bien là mais avec des pièces collector de plus en plus surdimensionnées et hors de prix. Mais cela reste un avis personnel.
Quelles marques sont en plein boom ?
La question est vaste, ça dépend des univers et des formats de pièces qui sont nombreux comme tu l’as bien décrit dans ton précédent article. Je ne mets en avant aucun fabricant car les goûts et les choix des collectionneurs sont vraiment différents. Et dans le Cac3d la gamme reste large. C’est une volonté de ma part.
À l’inverse, quelles sociétés marquent le pas ?
Même réponse.
Comment vois-tu le marché évoluer dans l’avenir ? Est-ce que la crise mondiale liée à la pandémie a eu un impact ?
La génération des 30-40 ans travaille alors, elle se fait plaisir. On le voit bien avec la montée des licences des années 80-90 qui reviennent à grands pas.
Et franchement, concernant le virus je n’ai pas l’impression que le Covid-19 ait perturbé ce marché, mis à part les délais de conception et de livraison des pièces peut-être.
Quels sont tes prochains projets ? Souhaites-tu faire évoluer le projet initial, notamment au travers d’un changement de média (audio, vidéo) ?
Les projets de 2021-2023 commencent par une refonte totale de la collection et des 12 tomes par un nouveau format 21×21.
Pour commencer avec les quatre premiers volumes : Franco-Belge Résine (janvier 2021) – Pop-Culture (avril 2021) – Tolkien Universe (septembre 2021) et pour finir l’année Marvel Comics Universe (décembre 2021).
J’ai réactivé un nouveau forum cac3d.net pour permettre aux lecteurs du cac3d d’accéder aux cotes en ligne. Je me suis lancé dans la mesure de mes moyens sur YouTube et Instagram pour faire connaître mes livres. Je remercie au passage la chaîne « Morgan et son ciné » pour son aide précieuse dans cette tâche.
https://www.youtube.com/watch?v=CYFBYKaUxCI
Peux-tu nous dire où nous pouvons nous procurer les CaC3d ?
Quelques librairies spécialisées me font confiance depuis longtemps (cf : liste sur mon site) et les cac3d sont aussi en vente directe sur www.cac3d.com.
Que pouvons-nous te souhaiter pour l’avenir ?
J’attendrais un soutien plus affirmé des fabricants sur le travail que je réalise. Sinon je souhaite que les festivals de bd, d’univers geek réouvrent en sécurité. L’isolement depuis 10 mois m’a permis de sortir la nouvelle version du cac3d mais maintenant j’aimerais la faire découvrir aux lecteurs.
Dans le cadre de cette interview, Christian m’a fait parvenir quelques exemplaires de ses ouvrages. Et en effet, en plus d’une lecture agréable, il est très intéressant de voir le travail réalisé. Les cotes sont assez proches et surtout honnêtes.
Chaque produit est présenté dans le détail en renseignant notamment la référence, les artistes ayant participé à son élaboration, la matière, la taille, l’année de sortie, le tirage ou encore si une particularité est présente comme un certificat ou des pièces supplémentaires.
En tant que passionnés, nous ne pouvons que saluer le travail réalisé sur ces ouvrages mais en tant que clients, nous nous rendons vite compte que les Cac3D deviennent un incontournable.
En conclusion, je tiens à rappeler que j’avais promis qu’il n’y aurait pas de chiffres, de diagrammes et autres tableurs, je pense avoir mené à bien ma mission. Plutôt que de rendre un papier sans âme mais truffé de comparatifs financiers, je suis heureux de vous avoir permis de rencontrer un passionné œuvrant pour le bien de tous. Longue vie à Christian, longue vie à la collection et longue vie à la passion !
Vous pouvez retrouvez Christian et ses bibles sur Instagram, Twitter, Pinterest, Youtube et Facebook.
Pour cet article, je tenais à remercier Christian, pour sa disponibilité et son enthousiasme, Mats, pour la beauté de ses créations et StIV pour son œil acéré à la relecture.