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Avengers Infinity War : Le pop corn movie ultime et parfait reflet de notre consommation

ARTICLE RÉDIGÉ AVEC SPOILERS

Sorti il y a maintenant quelques courtes semaines, Avengers Infinity War est présenté comme la conclusion d’un arc narratif commencé il y a 10 ans avec les premières aventures de Iron Man. 18 blockbusters plus tard, Marvel, aujourd’hui chapeauté par Disney, nous livre un pur divertissement, qui fera date. Revenons ensemble sur cette épopée moderne mais aussi sur les raisons du succès du Marvel Cinematic Universe (MCU).

Petit retour en arrière, au début des années 2000, la maison des idées, Marvel, se remet doucement de la précédente décennie et des erreurs de ses directions successives ayant laissées les caisses de la firme bien vides. La vente, lucrative, de certaines de ses licences les plus reconnues aux majors du cinéma Hollywoodien lui permettent de redresser la barre. Si Daredevil, les X-Men et les 4 Fantastiques passent sous l’étendard de la Fox et que Spiderman devient propriété de Sony, un important catalogue de droits cinématographiques de personnages reste entre les mains de l’éditeur.  Problème, Iron Man, Thor ou Captain America ne semblent pas s’ancrer dans l’Amérique post 11 septembre et intéressent beaucoup moins le grand public, pas forcément lecteur des comics dont sont tirés les films à succès. C’est alors qu’un jeune producteur, Kevin Feige, tente le pari osé de créer un univers étendu, permettant ainsi aux personnages d’évoluer en dehors du cadre de leurs films et surtout de mettre en place, à terme, la constitution pour la première fois à l’écran de la super équipe de la firme de Stan Lee : les Avengers. Le pari est risqué et le studio lance en 2008, un film dont dépend son avenir immédiat : Iron Man. En cas de succès, le studio pourra bâtir sur la durée, mais un échec pourrait tout remettre en question. La suite, tout le monde la connait, Iron Man a été un succès critique et commercial et le caméo en guise de scène post-générique de Samuel L. Jackson en Nick Fury a lancé le MCU qui verra sa première apothéose en 2012, avec la sortie du premier volet d’Avengers. Entre temps, Disney a racheté Marvel Studios et étendra les frontières du MCU avec succès…

En 2012, la première réunion des Avengers sur grand écran, signée par le papa de Buffy, Joss Whedon, explosera littéralement le box-office et permettra d’introduire, encore une fois à travers une scène post-générique, Thanos, le titan fou. Deux ans plus tard, le personnage se dévoilera un peu plus dans Les Gardiens De La Galaxie de James Gunn mais c’est bien face aux Avengers que tout le monde l’attend. Et après 6 ans d’attente, de lente (parfois trop) montée en puissance, voilà que les frères Russo, nouveaux patrons artistiques du MCU depuis le départ de Whedon chez DC, nous offrent 2 heures et 36 minutes d’un affrontement épique, intense et ô combien jouissif qui laissera le public en plein émoi.

La recette du MCU est aussi simple que connue: de l’action, des personnages hauts en couleurs, de l’humour et des effets spéciaux spectaculaires. Une recette simple et efficace que beaucoup essaient de copier, parfois pour le meilleur (Deadpool) et parfois pour le pire (Justice League). Jusqu’à présent, trop peu de ces films, mis à part le Logan de James Mangold, avaient réussi à nous émouvoir, à apporter une réelle dimension dramatique. Souvent, comme avec le premier volet d’Avengers, la recette fait mouche et acquiert à la fois l’adhésion du public et de la critique. Parfois, la recette parait plus bancale et nous offre des œuvres amplis d’un immense gout d’inachevé. Avec Infinity War, Marvel y parvient, avec brio. Forts d’avoir réussi à dépoussiérer le film de super-héros en particulier et le blockbuster en général, nos amis de chez Disney-Marvel réussissent à aller plus loin en brisant pour de bon la barrière entre les comics et le cinéma. Il y aura un avant et un après Infinity War. Et nous allons essayer de comprendre pourquoi.

Les Avengers face à la menace du titan fou.

La première force du film, c’est d’avoir su mettre en valeur son antagoniste. Ainsi, Thanos est le personnage central de cet Infinity War, celui que le spectateur verra le plus à l’écran. Son arrivée et la guerre pour la possession des pierres d’infinités étaient des plus attendues mais hormis les lecteurs de comics, peu de monde connaissait réellement Thanos et ce qui l’anime. Aidée par la formidable (comme bien souvent) interprétation de James Brolin, la présentation du géant violet met le spectateur face à une force, tant physique que morale, incommensurable au cours d’une des meilleures scènes d’introduction du MCU. Thanos en impose, Thanos incarne la force, le danger, Thanos est bel et bien là et il semble invincible car décidé à mener son projet à terme. Et c’est en cela que Thanos se démarque des autres bad-guys du MCU, Thanos n’est pas animé par un but aussi futile que l’argent (Yellow Jacket dans Ant Man), la vengeance (Zémo dans Captain America – Civil War) ou une vulgaire accession à un pouvoir quelconque (la quasi-totalité des autres vilains). Jusqu’à présent seuls Loki, remarquablement aidé par son développement sur plusieurs films, le Vautour de Spiderman Homecoming et le Killmonger du récent Black Panther ont su se dégager d’une bien pâle concurrence. Trop souvent, le spectateur devait voir ses héros affronter de vulgaires ennemis de pacotille, Infinity War poursuivra t’il  le triste constat? Non, avant tout car Thanos est bien plus qu’un simple vilain de cinéma ou de comics. Le titan incarné par James Brolin est l’incarnation du Malthusianisme, une doctrine politique prônant la restriction démographique, inspirée par les travaux de l’économiste britannique Thomas Malthus (17661834). Pour faire simple, aux yeux du bonhomme, notre univers est surpeuplé, nos ressources limitées et seule l’éradication d’une moitié de la population permettra à l’autre moitié de survivre. Un immense mal pour un bien final supposé. Pour autant, il a conscience des répercussions de ses actes, Thanos va détruire mais ce n’est pas sa finalité, son but est supérieur et va au-delà de ses aspirations. C’est bien en cela que le titan fou se montre comme le plus intéressant ennemi de nos héros, il fait fi de toute ambition personnelle pour atteindre une issue qui profitera à tous (ceux qui survivront du moins). Tel un personnage de tragédie grecque, il est déterminé, habité par le poids du fardeau qu’il pense lui incomber. D’ailleurs, une fois son but atteint (OUPS! SPOILER), il avouera avoir tout perdu pour y arriver. N’est-ce pas un magnifique exemple de dramaturgie grecque? Enfin, c’est au travers de ses failles que Thanos montre son vrai visage, celui d’un être brisé qui ne vit plus que par et pour sa cause. Sa relation conflictuelle avec sa fille adoptive, Gamora, sera le point d’ancrage du cœur du film et une étape obligatoire tant dans la compréhension du personnage que dans la quête de ce dernier.

Face à lui se place la quasi-totalité des héros présentés lors des 18 films précédents. Le hic, c’est que les événements de Civil War les ont séparés et cela se ressent dans l’éclatement des groupes et donc des situations du récit. Le film faisant suite directe à Thor Ragnarok, nous en retrouvons ses protagonistes, Thor et Hulk en tête, auxquels s’ajoutent les gardiens de la galaxie, nouveaux venus à la réunion trisannuelle du MCU. Bien vite, les personnages vont se retrouver ou se rencontrer et offrir aux spectateurs des scènes tant attendues. MCU oblige, l’humour lancé à coups de punchlines est présent mais pour une fois, ne désacralise pas les nombreuses situations de tension et de drama qu’imposent les événements d’Infinity War. Et pour être honnêtes, nous sommes tous heureux de voir Tony Stark et Peter Quill s’envoyer des vannes ou encore Bruce Banner s’étonner de l’existence de Spiderman et Ant-Man. Marvel-Disney, a toujours eu l’intelligence de savoir profiter de son incroyable catalogue de personnages. Avoir une belle galerie de personnages, intéressants, drôles, charismatiques, c’est bien. Avoir un casting cinq étoiles pour l’incarner, c’est mieux. Robert Downey Junior est et restera toujours Tony Stark, Tom Holland incarne le Peter Parker que tous les lecteurs de comics espéraient. Les petits nouveaux, arrivés au fur et à mesure de l’agrandissement du MCU sont impeccables. Et que dire de Peter Dinklage? Le Tyrion Lannister de Game Of Thrones est au top, tantôt sombre, tantôt hilarant. Même si je pourrais mentionner dans les « ratés », un Chris Evans aux abonnés aussi absents que son personnage, le casting dans son ensemble est impeccable. Marvel récupère avec brio les retombées du succès et sait composer ses castings. Quoi qu’en dise la critique de Télérama ou James Cameron, il y a du bon dans le film de super-héros et Marvel en est parfaitement conscient.

Iron Man (Robert Downey Jr) et Star Lord (Chris Pratt) : rencontre au sommet

Lors de leur engagement pour la réalisation de Captain America – Le Soldat de l’Hiver, les frères Russo étaient taxés de Yes Man complaisants à la solde du tout puissant Mickey. C’est oublier qu’ils furent lancés dans le métier par Steven Soderberg. Avoir un cahier des charges à 250-300 millions de dollars, ce n’est pas évident tous les jours et ces derniers osent tout de même prendre des risques, facilités, il est vrai, par le travail efficace des scénaristes à l’œuvre. Et avec cet Infinity War, ils nous offrent certains des plus beaux plans du MCU. Si vous en doutez, repensez à la première utilisation de la pierre de réalité et son travelling latéral somptueux ou bien à la première apparition de Nebula et son plan en trompe-l’œil. Chaque affrontement paraît dantesque et brise alors, bien aidé par des effets spéciaux sublimes, la barrière qui séparait le cinéma des comics qu’il adapte. Avec ce dernier volet d’Avengers, plus rien ne nous paraît impossible à voir à l’écran, plus rien ne nous paraît inadaptable. Bien sûr, Infinity War n’est pas Inception ou Gravity mais dans le paysage des blockbusters actuels, il atteint aisément le haut du panier en termes de réalisation.

Et la réalisation est avant tout au service de l’histoire. Souvent décriés pour leurs histoires simplistes voire manichéennes, les films du MCU ne sont, il est vrai, peu connus pour avoir un scénario aussi bien ficelé qu’un Memento. Mais Infinity War n’est pas un film Marvel comme les autres. En plus, d’hériter du principal atout scénaristique des ses ainés, à savoir des dialogues incisifs, le film repose sur un récit simple, efficace et arrive à parfaitement gérer les nombreuses transitions entre les diverses actions, les lieux variés et les différents personnages. De plus, il parvient, en 2 heures 30 à répondre à beaucoup de questions posées au cours des dix années du MCU. Bien joué!

En abordant les qualités du film, je ne peux ne pas mentionner le retour d’Alan Silvestri aux commandes musicales. Pour beaucoup, les seuls thèmes réellement marquants du MCU demeurent ceux de Captain America et des Avengers, deux réalisations du compositeur de Retour Vers Le Futur, Forest Gump et Predator. Avec Infinity War, le maître est de retour et signe une réalisation alternant des volées épiques et des morceaux d’une intensité incroyable à l’image de la composition accompagnant le générique de fin.

La résolution de beaucoup d’intrigues instaurées au cours de dix années de Marvel Cinematic Universe, un antagoniste enfin charismatique, un casting impeccable au service d’un scénario efficace et d’une réalisation intéressante sont les ingrédients qu’Infinity War transforme en recette du succès. C’est donc avec son 19ème film que le MCU aura atteint son zénith, celui du titre du pop corn movie ultime remplissant avec maestria son contrat : nous en mettre plein les mirettes tout en nous faisant passer un bon moment.

Guerre totale au Wakanda

Pour autant, le film n’est pas exempt de défauts. Le premier est lié au média duquel il est adapté : les comics. À la fin du film, Thanos met son plan à exécution et d’un simple claquement de doigts, élimine purement et simplement la moitié de l’univers. Et c’est un grand nombre de protagonistes du MCU que nous voyons tomber, réduits en cendres filant dans le vent… Avant cette hécatombe finale, Heimdall, Loki et Gamora nous avaient déjà quittés, parce qu’ils s’opposaient à Thanos ou bien parce que leur mort servait l’idéal du titan.  Ce final aura choqué plus d’un spectateur, même les plus avertis pour autant, une fois la séance passée, la logique marketing de Disney reprend le pas. En effet, comment pourrions-nous pleurer des personnages tombés au champ d’honneur alors que le studio a annoncé qu’ils reviendront dès 2019 pour de prochaines aventures? Erreur grossière de communication ou tentative de manipulation des masses visant à nous induire en erreur sur le contenu d’Infinity War? Après tout, ce n’est pas la première fois que Marvel joue avec son public, les nombreuses modifications opérées sur les films et diffusées lors des bandes-annonces en est le meilleur exemple. Beaucoup s’attendaient à voir disparaître la première génération de héros. Or, c’est bien cette dernière qui survit. Uniquement pour inverser les choses et prendre la place des disparus l’an prochain (à la fin des contrats du trio Hemsworth, Downey Jr, Evans)?  Et puis, tout amateur de comics répondra qu’un personnage n’est jamais vraiment mort. Pourtant, quand la dramaturgie d’un récit est autant mise en avant, il est tout de même dommage de la voir disparaître dès le chapitre suivant… Nous pourrons toujours nous consoler, et théoriser, en nous disant que le Docteur Strange a son plan et qu’il semble se dérouler comme prévu et que Nick Fury a changé la donne en sortant l’atout Captain Marvel (dont le film est attendu pour mars 2019) de son pager. (Les pagers existent-ils toujours d’ailleurs?)

Et c’est alors que se pose le problème inhérent à chaque film du MCU : depuis Iron Man en 2008, nous n’allons plus voir un film mais une série sur grand écran. Avec son univers partagé, Disney-Marvel a révolutionné notre façon de consommer en s’adaptant au mieux à notre époque. En effet, depuis l’aube des années 2000 et l’essor des networks et du net jugulé à l’arrivée de nombre de séries cultes, le petit écran est passé devant son grand frère en terme de popularité. Lost, 24, Breaking Bad, Game Of Thrones ou The Walking Dead ont changé notre façon de regarder, de consommer de la fiction, Netflix a révolutionné notre rythme de consommation en démocratisant le binge watching. Le spectateur d’aujourd’hui aime suivre le développement des personnages et des situations, avoir l’ensemble des éléments pour mieux comprendre l’entièreté de l’évolution d’un récit et ainsi élaborer des théories pour prévoir les événements à venir. Marvel le sait et a basé tout l’édifice de ses œuvres sur ce mode. Le MCU est alors devenu la première série de l’histoire du cinéma. Vous pourrez arguer que beaucoup de franchises sont composées de nombreux films comme les James Bond ou que les films de la saga Star Wars commencent tous par l’intitulé « épisode »…  Mais la continuité des aventures de l’espion anglais n’a jamais été claire et le space opéra de George Lucas ne compte que 8 épisodes et trois spin-off sortis en 41 ans d’existence. (Même si au rythme actuel, Disney envisage clairement de « feuilletoniser » sa lucrative franchise: depuis le rachat de LucasFilms par Disney, il est presque sorti autant de films Star Wars en 5 ans que sur les 35 années précédentes.) Le MCU, c’est à ce jour 19 films, sortis en 10 ans et se déroulant tous dans le même univers avec, depuis Infinity War, des personnages ayant eu des interactions avec ceux de presque tous les autres films de la franchise. Ces films sont répartis en « phases » et chacune d’entre elles se conclut par une réunion des personnages majeurs de l’arc. Ainsi, nous pouvons déclarer que le quatrième volet d’Avengers, qui débarquera en 2019, sera l’épisode final de la saison (phase) 3 et ce constat diminue forcement l’impact d’Infinity War en termes de dramaturgie. Et lorsque l’on sait que le film mise beaucoup sur cette dernière, comme je viens de le démontrer dans ces lignes, nous ne pouvons que nous désoler de savoir qu’elle sera réduite voire détruite, malheureusement, par les prochains volets à venir. Hollywood sera toujours Hollywood…

Captain America (Chris Evans) face à l’inéluctable : Thanos (Josh Brolin)

En conclusion, ce troisième volet collégial des Avengers est une véritable réussite et marque un tournant dans l’histoire actuelle du film de super-héros. Il restera même, pour ses successeurs comme pour ses concurrents, comme le film à au moins atteindre, au mieux dépasser. S’il reste le reflet de notre société de consommation, le film souhaite apporter plus et y arrive, remplissant avec brio son contrat. Face à une concurrence disparate et souvent fade, Marvel version Disney en impose encore et montre qu’il reste le patron. Toutefois, malgré trois visionnages du film, une seule et unique question reste en suspens: « Why is Gamora? »

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