Comme un lendemain de débauche alcoolisée, les paupières lourdes, la tête qui tourne et l’impression d’avoir fait une énorme folie sans pouvoir s’en rappeler vraiment. J’ouvre les yeux doucement pour découvrir un environnement étrange, fait de cailloux, de cristaux rouges avec une caverne pleine de couleurs à quelques pas. Je me retourne : un vaisseau spatial endommagé, probablement le mien, et quelques caisses de chargement. Ma combinaison bipe (depuis quand j’ai une combinaison?) pour m’indiquer que je vais bientôt être à court d’énergie pour résister à cet environnement inconnu. Je ne sais pas ce que j’ai fait hier, mais si ce n’est pas la cuite du siècle on n’en est pas loin. Qu’est-ce que je fais ici, et surtout comment vais-je réussir à m’en tirer ?
Il était une fois dans l’espace
Voila peu ou prou ce que tous les joueurs ont vécu au lancement de No Man’s Sky, le messie tant attendu censé ramener la paix dans la galaxie vidéo-ludique. Après tant d’attente et d’espoirs bâtis sur les promesses sans cesse plus alléchantes de Hello Games, je suis enfin projeté dans ce que j’espère être mon GOTY 2016. Le temps de prendre en main les commandes (sans didacticiel) de mon pisto-foreur-laser et de mon jet-pack, et me voici parti explorer les environs pour miner les éléments nécessaires à la réparation de mon bolide spatial. Un peu de fer par-ci, du plutonium par-là, un zeste de crafting dans une interface pas très bien foutue, les réparations avancent. Bien que coincé sur ce monde inconnu, je m’y balade avec des étoiles dans les yeux. D’ailleurs, c’est l’occasion de lui donner un nom et d’envoyer ça au reste du monde, car toute chose découverte (planète, plante, animal, point d’intérêt) peut être transmis pour nourrir la carte galactique et prévenir les autres joueurs que ce bout de caillou, c’est d’abord le nôtre.
Un point d’interrogation apparaît, et me voici lancé dans un crapahutage en règle pour découvrir ce qu’il cache. En route, je croise quelques exemples de vie animale, ici un mix maladroit entre une antilope et un tatou. Une fois arrivé, une bâtisse extraterrestre qui me donne accès à de nouvelles technologies pour mon pisto-flingue, et un étrange alien avec une tête de télé cathodique. Il me parle dans une langue que je ne comprends pas du tout, mais contre un peu de carbone il me donne des infos que le jeu m’indique comme étant utiles. Le consommateur de comics en moi ne peut s’empêcher de penser que ce premier spécimen est honteusement pompé de Saga, mais je me concentre sur les rares directives du jeu. En l’occurrence, rejoindre mon vaisseau pour terminer sa réparation et m’envoler vers les nuages pour découvrir la technologie ultime me permettant de voyager en hyper espace. Dans le ciel, des vaisseaux volent vers leur mystérieuse destination, moi qui pensait pourtant être seul sous ces cieux.
L’histoire de la vie
Je ne l’écoute pas et continue à explorer, comme un ado récalcitrant qui veut prouver aux adultes que son idée est meilleure. Viens donc l’heure du premier combat contre une créature dont les parents doivent ressembler à une araignée et un crabe. Pas très excitante, cette phase a le mérite de me faire remettre en question mon équipement et de chercher à le développer. Ceci se fait via des menus pas pratiques, grâce aux découvertes que l’on fait en route et aux éléments minés. C’est assez classique, il faudra par exemple équilibrer le laser entre combat et minage. Idem pour la combinaison et le vaisseau, eux aussi améliorables par le même système. Avant de partir, j’explore un dernier emplacement. Je tombe sur un bâtiment dont la porte est fermée, je l’attaque au laser. Mal m’en a pris, la police locale incarnée par des petits drones volants vient me punir de mon outrecuidance. Ces sentinelles sont présentes sur tous les mondes et vous attaqueront selon certaines conditions (mais toujours lorsque vous forcerez un bâtiment).
Je quitte donc à contrecœur cette première planète, berceau de mon histoire, pour me diriger vers une station spatiale. Après avoir expérimenté les commandes classiques mais efficaces du mode piéton, je passe au mode space pilote avec l’envie d’en découdre avec l’espace. Après un décollage plus qu’assisté, quelques commandes pour accélérer et rejoindre une station spatiale dans laquelle je me gare en pilote automatique. On est à des millénaires du mode simulation exigeant d’Elite Dangerous – référence actuelle des simu spatiales. Quelque peu déçu de cette phase, je croise une autre tête de télé (qui, par chance, ne diffuse pas un épisode de Derrick) qui me donne de quoi poursuivre mon aventure dans un autre système. En joie, je saute dans mon vaisseau, j’en croise d’ailleurs une bonne dizaine sur la route, et je lance fébrilement la carte de la galaxie pas super ergonomique pour effectuer mon premier saut.
Vers le fini et la planète suivante !
Hop, les formes s’étendent, les couleurs se fondent en un maelstrom très agréable, puis le jeu plante. C’est apparemment le cas pour tous les joueurs et sûrement résolu depuis, mais c’est l’occasion parfaite de poser la manette quelques instants et de faire un bilan que n’aurait pas renié Jacky et BenJ. Ces premières heures ont globalement été agréables, entre découverte avec des yeux d’enfants de cet univers, l’anticipation des contacts avec les entités extraterrestres et les possibilités entrevues de troc et d’exploration de centaines de monde grâce à la génération aléatoire de ceux-ci. Tellement content d’avoir enfin pu attaquer la bête que j’en oublie les quelques défauts, pas encore insupportables, comme la durée ridiculement courte du sprint ou l’apparition d’objets au dernier moment. Je me rassure en me disant qu’on pourra faire évoluer la combi pour courir plus longtemps, et que les soucis graphiques sont dus au nombre monstrueux d’éléments à gérer. En contrepartie, le jeu possède une vraie empreinte graphique, recherchée et plaisante. Le choix des couleurs est particulièrement brillant.
On relance la machine en montant le son pour couvrir la ventilation de la Playstation 4 qui souffre de cette période caniculaire (mais pas un voisin pour lui apporter son verre d’eau). No Man’s Sky pousse la console dans ses retranchements, alors qu’il n’est pas vraiment « beau ». Si la direction artistique est un régal, l’aliasing et la distance d’affichage en forme d’honneur à la PS1 font de la peine. Bref, reprenons les commandes de mon fier engin pour enfin arriver à destination. Au programme, exploration et exploration ! De nouvelles planètes avec leur faune et leur flore, leurs nouveaux éléments à miner (coucou la montagne d’or). C’est reparti pour une petite heure de découverte, avec ces piliers que j’avais complètement ratés sur mon premier monde qui nous permettent d’apprendre, un par un, les mots des différentes langues parlées par les E.T. qu’on croise. L’occasion également de découvrir des structures, sortes de temples mystiques, qui nous racontent des trucs dans un charabia incompréhensible. Spoiler : après avoir appris un demi dictionnaire, beaucoup nous parlent d’êtres tournés/partis/venus vers ou des cieux.
Sky is not the limit
Un monde verdoyant plein de vie laisse la place à un enfer sur terre avec température extrêmement chaude. Pas grave, le prochain sera plus intéressant. Raté, il est glacial. Tant pis, allons vendre la marchandise minée pour pouvoir m’offrir un nouveau vaisseau pour arriver dans le prochain système au meilleur de ma forme. Sur la route, des vilains pirates scannent mon vaisseau, ce qui me fait sortir automatiquement de ma super vitesse. Surpris que ce soit possible, le combat s’engage contre 3 adversaires qui ne mettront pas longtemps à me crever la peau. Cette première expérience du combat dans l’espace est aussi ma première grosse déception: c’est mou du genou et le gameplay ne se prête pas vraiment au gunfight. Devoir recharger ses boucliers en éléments en plein combat via l’inventaire pas ergonomique tue l’action. Pire, une fois ressuscité, on peut retourner à l’endroit de sa mort pour récupérer ses marchandises. Pourquoi s’embêter à nous mettre des pirates, qui scannent pour savoir si on transporte un truc potable puis nous dérouillent pour nous laisser récupérer le butin par la suite?
Pour synthétiser un peu la suite, voici un bref récapitulatif des 15 heures suivantes : (nouvelle planète, minage et exploration, vente à la station, amélioration de l’équipement) x 10. Rencontre d’autres espèces, apprentissage de nouveaux mots, quelques combats – perdus. Alors que la répétition commence à entamer ma légendaire patience, arrive un moment attendu, celui d’une étape « scénaristique ». J’atteins enfin un endroit marqué sur ma carte galactique comme important. Il s’agit d’une sphère d’Atlas, grosse boule rouge qui parle. Elle me raconte une vague et courte histoire qui ne m’avance pas du tout et me file une petite boule rouge pour mon usage perso. Sur ma carte, un autre système est marqué pour que j’aille parler à la boule suivante.
Le cycle de farming/exploration reprend alors. Je passe tellement peu de temps dans mon cockpit mais tellement à marcher et miner que j’ai l’impression que Hello Games cherche à me clouer au sol. Que ce soit volontaire pour nous prouver la qualité de leur génération de mondes ou un remplissage mal anticipé, No Man’s Sky devient pénible. La répétition sans fin des mêmes 3 actions enlève tout le sel du titre et ne nous laisse à savourer que la contrainte. Tandis que j’effectue mécaniquement mon découpage d’une montagne de minerai, je me prends à penser à l’ambition du studio qui semble avoir dévoré sa progéniture. A vouloir faire trop, la bien connue balle dans le pied ressemble davantage à une tête nucléaire. Même les animaux parfois ridicules, qui me semblent exclusivement issus de croisements improbables entre des espèces existantes par chez nous, ne réussissent plus à m’arracher de petit sourire de satisfaction.
Metro boulot dodo
Après de loooooongues heures de jeu, je n’ai plus le courage d’avancer et de répéter toutes ces actions devenues banales pour atteindre un objectif non identifié. C’est peut-être le plus gros défaut du jeu, nous faire miroiter un objectif final (puisqu’on peut terminer le jeu) sans nous donner suffisamment de miettes plus solides que ces sphères mystiques. Pour qui aura la patience, et un peu de talent, pour aller jusqu’au bout, je ne doute pas qu’il soit satisfait du chemin parcouru. Pour ma part, explorer à pied, donc très doucement, des dizaines de planètes en espérant trouver un indice ultime (mais en réalité pour simplement miner un peu) avant de passer à la suivante m’a lassé. Viens alors le moment fatidique de la question « dois-je continuer? ». On pèse le pour, ce plaisir enfantin qu’on a eu à explorer et à découvrir, on l’oppose au contre, ce mode procédural somme toute limité et un gameplay poussif.
Avec du recul, No Man’s Sky paie cher ses ambitions trop élevées. Après quelques planètes, on retombe souvent sur le même pattern et l’exploration des mondes devient davantage une contrainte qu’un plaisir. On retrouve les mêmes bâtiments un peu partout, les mêmes minéraux. Les messages découverts dans les temples et autres équipements accessibles sonnent creux, la vision mystico-religieuse ne prend pas vraiment par manque de profondeur globale du titre. Les gunfights ne sont pas suffisamment dynamiques et valorisés, et la partie commerce est trop limitée pour s’engager vraiment dans une carrière de mineur de l’espace. Malgré tout, le jeu nous accroche de longues heures et son orientation graphique est une originalité réussie et bienvenue.
Pour paraphraser un petit film d’auteur, No Man’s Sky est un jeu au taux de midichlorien élevé mais qui manque cruellement de consistance. La communication outrancière de Hello Games et Sony, les dizaines de vidéos et de promesses ont créé une attente à laquelle le jeu n’était en fait pas capable de répondre. S’il était sorti avec l’étiquette de petit jeu sympa à 20€, il aurait pu faire son bonhomme de chemin sur nos consoles et PC, et nul doute que ses défauts lui auraient plus facilement été pardonnés. Au final, je ne saurais pas comment se termine mon histoire, mais tant pis. Ce ne sera pas l’élu qui ramènera l’équilibre dans les jeux spatiaux.
Le jeu a été testé avec un code de téléchargement fourni par l’éditeur.
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