Longtemps que je ne vous avais pas donné un avis sur une de mes sorties cinéma, normal, je ne sais jamais par où commencer. J’ai hésité ces derniers jours à me lancer puis je me suis dit que j’avais besoin de parler d’Us autour de moi, plus pour vous rassurer sur le film et son ambiance que sur le kiff qu’il m’a procuré (et il m’en a procuré).
Us donc, sorti le 20 mars dernier dans notre beau pays, est le dernier film sorti du cerveau tordu, militant, génial (rayez la mention inutile) de Jordan Peele, cinéaste a qui l’on doit le surprenant Get Out sorti en 2017 et qui m’avait déjà mis une grosse claque il y a deux ans, et m’avait fait flipper jusqu’à ce que je me décide à aller le voir.
Parce que oui, la bande-annonce d’Us m’a littéralement fait froid dans le dos. À peine disponible je me suis jeté dessus et, j’en suis ressorti tout retourné. Ce film m’a fait clairement peur avant même que je me lance et j’avais en même temps une envie viscérale de le voir ! Je vous laisse imaginer le cruel dilemme qui s’est posé à ce moment là. En plus, ces premières images sont rythmées avec un remix flippant d’I got 5 on it, morceau de rap culte des années 90, ce qui a presque fini de me convaincre…
…Presque. J’ai mis trois semaines à me décider à voir Us, après m’être convaincu plusieurs fois que je n’aurais pas si peur que ça, puis m’être presque inventé des excuses pour ne pas y aller. Enfin, là je vous raconte ma vie et ce n’est pas vraiment le but de cet article.
Us, ça parle de quoi ?
Adelaide Wilson et son mari Gabe se rendent dans la maison de vacances familiale avec leur deux enfants pour passer un séjour tranquille. Ce dernier tente de se pavaner devant un couple d’amis pour leur prouver qu’ils valent aussi bien qu’eux (le fameux mythe du noir qui doit en faire toujours plus pour être considéré, l’histoire de ma vie). Cependant, très vite, après des signes qu’Adelaide a vu tout au long de leur première journée de vacances, le séjour tranquille se transforme en cauchemar quand, la nuit venue, une famille d’inconnus vient les terroriser devant leur maison de vacances. Ce qui pourrait très bien être un scénario classique… Si ces inconnus n’étaient pas leurs doppelgängers !
Ce synopsis, accompagné des dix minutes de pression au début du film nous renvoyant à la jeunesse d’Adelaide (jouée par Lupita Nyong’o), est une introduction parfaite pour projeter plusieurs de nos plus grandes peurs, très actuelles de surcroît, comme la peur d’être remplacé par une population ou des peurs encore plus primales comme celle du feu ou du noir (quand il fait sombre j’entends).
Après plus d’1 heure 50 de flippe et de poursuite, agrémenté de quelques passages « drôles » (les parenthèses sont vraiment importantes) et avec un climax que l’on voit venir au bout d’une heure, si tenté qu’on a bien suivi le récit, on ressort essoré d’Us. Se pose alors la question suivante : comment fait Jordan Peele pour nous proposer ce genre de satires de la société américaine (mondiale?) actuelle, sous couvert d’un thriller horrifique alors que c’est quand même le même homme qui a écrit et joué des sketchs à la con avec son ami Keegan-Michael Key dans Key and Peele (que je conseille d’ailleurs). Je me pose encore la question. Le grand écart artistique est vraiment énorme entre Get Out/Us et ses bouffonneries passées. Cela tient sans doute du génie et d’un certain militantisme. Après tout, Peele est un des producteurs de BlacKkKlansman.
En parlant d’horreur, je vous rassure, les passages les plus flippants d’Us, vous les avez vu quasiment tous vu dans la bande-annonce. Tout au long du film, Peele tire plutôt une autre corde pour vous faire peur : votre expérience du genre. Plusieurs scènes sont en effet promptes à vous faire croire qu’il va y avoir un jumpscare. La caméra change, la musique se fait de plus en plus oppressante, vous vous préparez à sursauter… Et le fameux jumpscare n’arrive pas, vous avez déjà eu peur avec cette pression que vous vous êtes mis vous-même. En tout cas, c’est comme ça que j’ai vécu le film.
De plus, le réalisateur de Get Out n’est pas dans la surenchère sanglante pour accentuer son propos et l’ambiance, beaucoup de morts étant « filmées » hors caméra, peut-être aussi pour baisser les restrictions d’âge lors de sa sortie en salle, afin d’attirer un plus grand public devant son film qui est plus une œuvre militante et psychologique qu’une création horrifique. Pour cela je vous renvoie au verset 11 du chapitre 11 du Livre de Jérémie (Jeremiah 11:11), référence qui revient régulièrement tout au long du film.
C’est bien joli un scénario solide et une ambiance sombre mais encore faut-il que les actrices et acteurs dirigés servent bien le propos. C’est le cas ici.
Comme Get Out avant lui, Jordan Peele a su s’entourer d’acteurs talentueux et pas forcément très connus. Enfin j’exagère. On retrouve quand même l’excellentissime Lupita Nyong’o dans le rôle principal, qui joue à la perfection Adelaide et son double Red, à vous glacer le sang. Sa voix rauque lorsqu’elle est dans le rôle du doppelgänger m’a fait frissonner comme jamais.
Dans le rôle de son mari (et du double qui va avec), on retrouve Winston Duke, que vous avez sans doute vu dans un rôle mineur mais au combien marquant pour certains dans Black Panther. Ici, il joue un père de famille un peu lourd mais très souriant, qui espère passer de bons moments avec sa famille mais qui s’effacera assez vite quand les ennuis commenceront (enfin après avoir pris un coup de batte en fait), laissant la direction des opérations à Adelaide.
Enfin les deux enfants du couple, joués par Shahadi Wright-Joseph et Evan Alex font ici leurs premiers pas au cinéma, avec brio.
Si je ne vous parle pas vraiment des performances des autres acteurs du film quand leurs doubles interviennent, c’est tout simplement qu’elles sont plus visuelles qu’autre chose. En effet, ils ne parlent pas et ne s’expriment que par des grognements (et ça, Winston Duke sait le faire, rappelez vous de la scène de Black Panther dans laquelle il donne la réplique à Martin Freeman) ou des cliquetis. Des bruits suffisamment flippants quand l’ambiance générale du film est sombre et se fait dans la nuit ou dans des souterrains. Surtout que, en plus de ces bruits, le langage corporel de chacun vous mettra suffisamment mal à l’aise.
Avant de vous dire de foncer voir le film s’il est encore en salle (FONCEZ!) Je vais vous parler rapidement de la bande-son. Pour son deuxième film, Jordan Peele a de nouveaux fait appel au compositeur Michael Abels qui a, une fois de plus, créé un univers musical de toute beauté, plus oppressant encore que celui de Get Out. Abels est même allé encore plus loin en créant, un peu à la manière de Keiichi Okabe, le compositeur des jeux Nier, un hymne avec des choeurs chantant dans une langue imaginaire, renforçant ainsi le caractère horrifique du film et personnifiant surtout la colère des doppelgängers. Enfin, tout comme Okabe, Abels est du genre à utiliser des instruments non-traditionnels comme le Cymbalum (communément appelé le piano tzigane). Je vous invite d’ailleurs chaudement à écouter la bande originale du film et particulièrement ce fameux « Anthem », juste en-dessous mais aussi le morceau « Pas de Deux » et le remix de « I got 5 on it ». Tout simplement magistral.
Bref, je ne sais pas ce que nous réserve Jordan Peele pour l’avenir, mais ce qui est sûr, c’est quand deux ans, il s’est forgé une solide réputation de conteur horrifique et militant. Ce que prouve aussi bien la critique de ses œuvres que son succès au box office. Alors, prenez votre courage à deux mains comme moi et foncez ! Il est encore temps!
PS : enfin de compte, je ne crois pas que j’ai réussi à vous rassurer…